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19 mars 2010 5 19 /03 /mars /2010 16:52

       SAAD WEB On m’a posé une question par rapport à l’improvisation à propos d’un stage de baladi que j’organise, le baladi étant la danse de l’improvisation par excellence.

Tout d’abord, et je ne m’étendrais pas la dessus, le baladi est cette musique reconnaissable entre toutes, où un saxophone (instrument très à la mode dans les années 70 en Egypte, au même titre que la guitare électrique), ou l’accordéon tissent un dialogue mélancolique avec la derbouka, et crée une sorte de blues à l’égyptienne. Elle personnifie l’exil de la population égyptienne des terres, al balad, de la campagne vers la ville, et se développe dans les faubourgs du Caire. Elle est conçue sur le même principe que la musique jazz, où à partir d’un thème musical (chanson populaire fameuse, en ce qui concerne le répertoire égyptien) les musiciens développent des envolées improvisées.

En fait le baladi est comme n’importe quelle danse traditionnelle, dans le sens où les autochtones dansent cette danse, et les hommes et les femmes se mettent spontanément en mouvement, dès qu’ils entendent la musique ou le rythme baladi. Il y a, par ailleurs, les danses de groupe, rituelles ou non, codifiées. Mais, ce n’est pas ce dont il est question, ici.

Et cela vaut pour tous les pays du monde arabe, si tant est la danse y est tolérée – mais c’est un autre sujet. De toute façon, quand la danse est tolérée, traditionnellement, les femmes dansent entre elles, tandis qu’il n’y pas de honte à ce qu’un homme esquisse quelques pas de tahtib sur une musique saîdi, avec ou sans bâton. En Egypte, lors des fêtes célébrées en plein air, on verra plus aisément des hommes se mettre à danser en public, que des femmes (moulid, .mariages).Généralement, quand une femme se lève pour une transe, dans un moulid, par exemple, elle mettra un foulard pour cacher son visage, en plus de celui qui lui couvre les cheveux.

Comment je conçois l’expression  dansé sur le baladi rejoint mon approche de la danse, en général, et de  la danse arabe, en particulier._MG_3777.JPG

Tout mon travail de danse, depuis que j’ai commencé la danse orientale, vers 1986, consiste toujours en un seul et même principe : être dans du vivant, du ressenti, même si je ne le formulais pas, ou pas comme ça, en tout cas. J’aime voir un corps qui décrit des formes harmonieuses dans l’espace, mais je n’aime pas quand c’est trop propre ! J’aime voir une danseuse, en rythme, mais cela m’ennuie quand tout est mâché, et qu’il n’y a aucune surprise. J’aime quand l’énergie circule, et qu’en même temps la danse de la personne qui danse, nous parle d’elle.

Dans le baladi,  pour moi, on n’a pas besoin de mouvements complexes, ou de réfléchir à moult variations de pas et de mouvements. Le plus important est d’avoir bien intégré le mouvement global de la danse orientale, ou de la danse du ventre, si vous préférez – une marocaine, ou une algérienne pourra très bien danser sur une musique égyptienne avec son propre mouvement, elle s’adaptera juste au sentiment que dégage la musique. C’est un mouvement qui n’empêche ni de marcher, ou de rebondir, ou de tourner : il intègre l’espace. Donc l’isolation, n’empêche pas un mouvement global d’avoir lieu. Sinon, c’est comme si on ne pouvait pas marcher et mâcher du chewin-gum en même temps !

_DSC3729.jpgDSC3415 - CopieAussi, comme toute expression traditionnelle, on n’a pas de besoin de ce mettre dans une forme, ou de préjuger que l’esthétique est pré-définie (cf. la position prédéterminée avant même d’avoir appuyé le pied au sol). Dés lors que l’on va se mettre en mouvement une forme va émerger, cela est valable pour toute expression corporelle (danse, sport, travail). Alors bien-sûr, on est dans un code donné, en l’occurrence le code corporel des égyptiens. Dans mes stages,ce code, je me propose de le cerner en parlant du contexte culturel. Ce n’est pas la forme qui prévaut, mais le fond. Pour ce qui est de l’esthétique, le travail de posture et d’alignement, afin de prendre conscience des connexions qui entrent en jeu dans la statique comme dans le mouvement, fera le reste.

C’est exactement comme le travail du chant. Si on aborde le chant par les chants traditionnels, on est avant tout dans l’expression de l’état d’âme, de l’émotion, et le point de départ, c’est soi, comment on exprime l’émotion, comment on ressent le chemin de la voix, du souffle dans son corps. Dans l’appréhension classique, technique, on va être dans l’idée d’une forme, et on part d’un modèle, d’une classification (soprano, mezzo, ténor, basse, baryton). C’est en train de changer, mais beaucoup de personnes racontent leur besoin de chanter, mais peinent à se (re) trouver dans la façon habituelle d’aborder le chant.

Chaque être humain est singulier, et traditionnellement on voit bien que dans un code donné, chacun peut exprimer sa singularité, dans une danse que tout le monde danse. C’est ce que je m’évertue à communiquer dans mes stages de danse.DSC3661

MG 3944 - Copie

 

Il y a bien-sûr, la question du rythme. Et là aussi, il faut intégrer, apprendre le rythme sur lequel on danse, pour mieux se libérer, et donner libre champs à son ressenti, et jouer avec la musique.

Donc pour résumer, mon approche du baladi, tout le monde peut danser et s’exprimer sur cette musique. Bien-sûr, il y a la virtuosité de la professionnelle, mais si on intègre les éléments de base qui sont : le rythme, le code corporel lié au contexte culturel, le mouvement global, le rapport à l’espace,la recherche des sensations, ce que je me propose de transmettre lors de mes stages thématiques, on peut, à ce moment-là, improviser et danser comme n’importe quel autochtone, si par chance, on est invité à un mariage, ou une soirée égyptienne, et c’est la première étape. Ce qui compte, c’est d’intégrer les principes de base.

Ensuite, il est vrai, je me fais un plaisir de partager mon goût de danse, ma passion pour l’art de la danse quand on veut entrer dans ce chemin, et là, on devient artisan d’une pratique longue, exigeante, difficile, mais pleine d’enseignements. Cela pour dire qu’il ne suffit pas de savoir exécuter des mouvements qui semblent difficiles, ou inaccessibles pour se considérer comme danseuse (orientale, surtout). Mais que tout le monde peut chanter et danser, donc s’exprimer, et cela peut s’acquérir dans le plaisir de la découverte des sensations. Il n’y a pas de modèle à copier… à imiter, oui… cela permet de comprendre, mais le plus important c’est l’émotion, chercher à être soi-même dès le départ.

C’est pour cela que dans mon approche, l’acquisition de la technique est avant tout subordonnée à la recherche de la sensation. C’est moins le résultat, que le chemin qui compte. Et peut-être, et même sûrement, le résultat sera une forme parfaite, mais c’est parce qu’à la base le corps …est parfait.

...Mais là, c’est l’œuvre de notre créateur.

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